Hier mon coeur s’est fendu. Non pas qu’il ne l’était pas déjà. Les événements du 13 novembre 2015 ont déjà bien mis à mal ses morceaux. Non, hier, j’aurai voulu avoir un gros bouton reboot, un énorme. Tu vois, mon Prem 10 ans après cette petite phrase: « dis maman, je pourrais te parler » me prend pas la main, m’emmène dans sa chambre, ferme la porte. Et là, il s’effondre. Littéralement. Il fond en larmes. Comme si les digues avaient rompu. Mon coeur a eu un raté. Un très gros. J’ai juste eu le réflexe de le rattraper avant que mon 10 ans ne tombe. Je l’ai pris dans mes bras, je l’ai serré fort. Les mots sont venus: « Maman, je connaissais quelqu’un qui est mort au Bataclan ». Ton esprit part en vrille. Il se craquèle. Il se casse. Le mien a cédé. Tu retiens tes larmes, pas toutes, elles coulent, mais tu sers très fort les dents, tu te ressaisis pas pour toi, non pour cet enfant qui est une part de toi, une part que tu aimes plus que tout. J’ai cherché comment mettre des mots sur sa douleur. Je n’ai pas eu le temps de tout mettre en ordre.
Le flux a suivi entre deux sanglots: « les méchants ils tuent des innocents. Tu pars à un concert, à un resto, tu meurs. Maman, ne dit rien à mes frères et soeurs. Laisse-leur leur innocence ». J’ai crié intérieurement. Très fort. J’ai vu des briques dévaler et se casser au sol. J’ai vu les murs se fendiller. J’ai vu toute la douleur du monde dans ses petits yeux. Je ne pourrais jamais l’effacer. Je ne peux qu’être là. Je me suis sentie bête, bête de n’avoir pas saisi que son envie de manger à la cantine le mercredi et de profiter des frites caché quelque chose, un peine immense. Si j’avais su.
Impossible de protéger de tout son enfant, impossible de lui épargner toutes les peines. Je voudrais juste le soulager. Je ne peux qu’être là, écouter si besoin tendre la main et soutenir. J’ai voulu lui dire avec tout mon amour, ma tendresse, que la vie c’est pas simple tous les jours.
Si je pouvais je mettrais en bulle que des jolies choses, des moments heureux, mais c’est irréalisable. Du coup, tu m’excuseras, maladroitement, j’ai essayé d’essuyer les larmes, de montrer que non, sourire n’est pas oublié, sortir n’est pas partir à la mort, s’amuser n’est pas monstrueux. Bordel, 10 ans, tu devrais pas avoir l’impression d’être dans un monde horrible. Tu devrais pas parler de perte d’innocence.
Imagine mon état hier soir, ajoute par dessus ma mini qui s’inquiète et me souffle doucement entre deux bisous: « Tu sais maman, avec les attentats, ma meilleure amie va quitter l’école ». La petite boule qui se serre un peu plus. J’ai tenté d’expliquer que le monde est dans le même bateau, que peu importe où nous nous trouvons, tout le monde peut être touché par un drame. Pas évident de tranquilliser, rassurer ma 6 ans et mon 10 ans.
Mon 8 ans leur a fait un câlin et a soufflé: « je vous aime ».
Je pense très fort à toutes ses familles brisées, à toutes ses lumières éteintes.
ps: c’est décousu, l’émotion j’ai du mal à tout transcrire. Besoin de poser pour évacuer un peu le poids.